Le défendeur n'est pas présent à l'audience : tant pis pour lui !

Dans une affaire plaidée récemment par le cabinet devant le tribunal de l'entreprise du Hainaut, division de Mons, il était question d'une demande de dommages contre un entrepreneur pour diverses malfaçons dans la réfection de la salle de bains de la cliente.

L'entrepreneur n'était pas présent à l'audience : dans le jargon, on dit qu'il a 'fait défaut'. Par l'attendu qui suit, le tribunal fait droit à la demande : "Ces demandes ne sont pas contestées et, vu les explications données et les pièces du dossier déposées, elle n'apparaissent pas contraires à l'ordre public ou manifestement mal fondées". C'est tout ? Oui, c'est tout et ce n'est là qu'une application correcte des règles du Code judiciaire.

Jusqu'à il y a peu, sur base d'une jurisprudence de la Cour de cassation, lorsque le défendeur n'était pas présent à l'audience (et faisait défaut donc), le juge devait soulever tous les moyens que le défendeur aurait soulevé s'il avait été présent à l'audience. Curieuse jurisprudence qui, théoriquement, favorisait le défendeur absent par rapport à celui qui vient se défendre devant le juge et qui ne soulève peut-être pas tous les arguments utiles !

Il a été mis fin à cela par une modification récente du Code judiciaire lequel dispose désormais ce qui suit à l'article 806 : "Dans le jugement par défaut, le juge fait droit aux demandes ou moyens de défense de la partie comparante, sauf dans la mesure où la procédure, ces demandes ou moyens sont contraires à l'ordre public, y compris les règles de droit que le juge peut, en vertu de la loi, appliquer d'office".

C'est de cette disposition dont le tribunal de l'entreprise du Hainaut, division de Mons a fait une juste application dans notre dossier.

Cette disposition n'est cependant qu'imparfaitement respectée.

Récemment encore, alors que j'attends mon tour pour plaider une affaire en justice de paix, j'assiste à une autre affaire dans laquelle une dame demandait des dommages locatifs à son locataire parti sans la prévenir et laissant le bien dans un état pitoyable.

Sans grande surprise, le locataire n'était pas présent à l'audience. La dame ne disposait pas d'un état des lieux d'entrée (le document rédigé par les parties qui atteste de l'état du bien au début du bail et que les parties signent toutes les deux) mais seulement d'un dossier photos que le locataire avait signé et daté.

Le juge rétorque à la dame : "Madame, comment voulez-vous que je condamne votre locataire à des dégâts locatifs, vous n'avez pas d'état des lieux d'entrée dans votre dossier ?". En cela, le juge prétendait qu'il ne savait pas faire la comparaison de manière correcte entre l'état du bien au début du bail et l'état du bien en fin de bail.

A mon sens, ce n'est pas une application correcte de la règle du Code judiciaire mentionnée ci-dessus. En effet, le locataire n'était pas présent. Le juge devait donc examiner si la demande n'était pas manifestement mal fondée (auquel cas on considère en effet que cette demande est contraire à l'ordre public). Or, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'état des lieux d'entrée en bonne et due forme qu'une demande de dégâts locatifs (en fin de bail) est nécessairement mal fondée !

Selon moi, le juge devait, sur son délibéré, examiner le dossier de la dame, et sauf s'il devait considérer que sa demande était manifestement mal fondée, y faire droit purement et simplement ! Libre ensuite au locataire d'exercer les voies de recours le cas échéant...

Sébastien DOCQUIER

Posté le 20 novembre 2020 Retour aux actualités